Suite des Papillons Roses

Publié le par KDB

Et la veille qu'est-il arrivé à Yang ?

Descendant l’échelle de l’avion, le Japonais, par ce matin de samedi, était très excité. Il savait que sa femme avait caché les esprits dans le secret des femmes mais les Papillons rajeunissants, il voulait les garder pour lui. Enfin lui, le Beau, le Soleil, il pourrait ne plus se gâcher avec les geishas, mais resplendirait comme l’astre à son renouveau. Le Soleil neuf, vingt ans toujours. Pourvu qu’elle et les esprits ne lui aient pas scié les pattes. Gênant pour un beau petit.

Arrivé au bas de la passerelle, il glissa dans le coquillage nacré de sa femme : << O Kup toi des bagages ? , les femmes s’arrangeant toujours mieux avec les douaniers >>.

Il bifurqua à gauche (étonnant pour un Japonais bien élevé) et vit enfin le petit zinc qu’il avait commandé par télex. Rapide comme le samouraï, il était à bord, et tel le rapace dans les airs, à la chasse aux Papillons.

Le pilote, si de pilote il peut porter le nom, car Aristide n’avait rien d’un Fou Volant (150 kilos, tout en graisse. Bouddha lui-même, s’il passait par là, en serait jaloux) donc Aristide était aux commandes. Encore heureux qu’il eût fait beau, qu’il eût fait beau et que le Marie-Joseph fût un bel avion.

Congratulations - Concertation - Compas - 300 km - 2 heures de vol. << Allo la Tour - FOX- OSCAR - ALPHA - Cap 320 - En route!”

En deux heures, on cause. Aristide comprit la bonne affaire. Toujours aimable ce fils du Soleil, et lui parlèrent de la pluie et, bien sûr, des Papillons Roses.

Aristide atterrit dans le lieu où reposent Vase Chinois et Sabre de Feu.

C’est à cet endroit que sont les Papillons Roses. Et mon Dieu, chasser le Papillon à 10 heures du matin, par un soleil de plomb et avec un Japonais genre blockhaus pensif, c’était bien la première fois qu’Aristide maniait ce filet-là. Pour le filet, il savait le manier pour attraper les caïmans baptisés “Croco” par les boutiques de luxe.

C’était vrai, des Papillons, il y en avait des milliers, très intrigués par l’avion qu’ils prenaient sans doute pour un Dieu. Ils se laissaient capturer, à croire qu’eux aussi pensaient que les anges venaient du ciel. Cinquante, cent, vite dans une cage plutôt genre garde-manger, mais les Papillons ne sont pas bêcheurs.

Nos deux filous filèrent. Deux heures à l’aller donnent logiquement deux heures au retour et il s’en dit des choses pendant deux heures, lorsque l’alcool de riz manque et qu’il fait soif.

 

Atterrissage et rapidement la jeep et le panier à salade (oh, pardon, la cage aux Papillons) gagnent la forteresse d’Aristide, au bord du lac.

La case d’Aristide est construite telle un blocausse: gros murs, bâtiment carré (un reste de caserne chez Aristide). Sur la terrasse, des projecteurs pour éblouir les intrus et tirer à vue avec un fusil à lunette. Le Chateau-fort était bien gardé. Rien n’en sortait, pas un bruit. Bien sûr : pas de sortie de bruit, pas de rentrée de bruit. Ce qui permit à K.D., à Nénène et à la Jap de s’approcher sans problème. Elles n’avaient même pas arrêté le moteur du bateau. Nénène était repartie, égale à elle-même, batifolant sur le lac d’argent où seuls les cygnes de Lamartine auraient peut-être dressé la tête, car cinq heures du matin, un dimanche, c’est tôt, même pour un cygne qui ne se monte pas du col...

Voici nos quatre antagonistes presque face à face, eux, là depuis samedi 13 heures. Elles, arrivant telles des amazones, heureusement sans flèches, mais avec leurs contacts et esprits réciproques. Tout le monde savait qu’Aristide avait une distillerie clandestine dans sa caserne. Les bouteilles d’alcool, fortes au goût et au portefeuille, partaient de là. Il avait très bien monté son affaire : alambic, mise en cannettes, sortie par la mer (oh, pardon, par le lac). Seul point faible de la forteresse : le lac - ça, K.D. le savait. De sa case en bambou, elle avait souvent vu sortir les caisses d’alcool, embarquées sur des canots et envoyées le Diable sait où. Il fut donc facile de rentrer par la sortie des bouteilles. Un goulot de béton, qui débouchait dans la place forte, mais qui était fort glissant. Nos deux beautés se firent une raison. L.Y.K.'S. avait dit :

 << Discipline ! >> En route pour le parcours du combattant ! L’arrivée ne fut pas triste : une petite Japonaise, sans chignon, les épingles éparses. Une grande Viking, le rare cheveu droit sur la tête, légèrement gluant d’algues. Enfin, heureusement, pas de clair de lune, à cinq heures du matin. Le premier bâtiment sous leur regard portait une étiquette : “Réserves”. Elles s'y plongèrent. Bienheureuse découverte : des montagnes de ce décapant qui faisait la fortune d’Aristide. Elles avisèrent un tonneau vide, le remplirent de ce beau liquide et prirent un bain. Nos deux naïades sortirent de l’onde, précédées d’une odeur d’alcool frelaté. Elles firent le tour du propriétaire. La forteresse était habitée. Pas de doute : des verres vides, l’électrophone renâclant... La Japonaise poussa un cri qui figea K.D.. Un ton de plus et cette charmante enfant poussait le cri qui tue. Donc, elle cria. Elles restèrent figées : là, par terre, les restes (il n’y avait pas d’autre mot), les restes d’un Japonais : une toute petite paire de chaussures, une petite chemise, un chapeau minuscule. Elles étaient atterrées : seulement le cache peau, pas la chair ni les os... Il manquait aussi le slip ! Mais pourquoi Aristide, que l’on savait rapace, avait-il enterré le Japonais avec tant de pudeur ?

Seul L.Y.K.'S., peut éclaircir ce mystère. Elles s’assirent à même le sol et K.D. sortit son matériel. Elle a toujours sur elle, les luisants qui lui permettent d'entrer en connexion avec L.Y.K. S.. La réponse est claire, si clarté il y a : avec les clairvoyants, il faut toujours qu’ils parlent avec un sens ésotérique. << Surveillez l’élément douteux (elles étaient là pour ça). - La pureté et la clarté ne doivent pas se ternir au contact de la matière. (Mais où était la matière ?)- La frayeur surmontée, les ennuis passagers s’enfuiront. >> Elles étaient tant soit peu rassurées. Bien sûr, il y a toujours la mise en bière, mais cela n’a pas l’air d’être la fin. Yang n’est peut-être pas mort. Peut-être... Il faut user de pureté et de clarté. A 7 heures du matin, ça va, il fait grand jour. Mais pour la pureté, il va falloir y mettre du sien, because les relents d'alcool qui flottent dans l'air…. Devant elles, un escalier, et il monte. Vu leur état d’esprit plutôt bas, monter serait peut-être bon. L’une derrière l’autre, doucement, elles partent à l’escalade et débouchent sur un chemin de ronde. Elles en font le tour, ou presque, car le chemin s’arrête devant une porte où est dessinée une tête de mort.

Mademoiselle K.D. pense : faut y aller, partant du principe d’Aristide : quand il faut y aller, faut y aller, et quand faut pas y aller, faut y être. Elles ouvrent la porte qui cède en gémissant. K.D. part d’un immense éclat de rire qui n’a de concurrence que ses éternuements. Le spectacle vaut le déplacement. Aristide est assis par terre, dans la position du lotus, mais vraiment moins gracieux, plutôt très graisseux. Il serre entre ses cuisses une canette à bière. Devant lui, le Japonais en slip rouge. (Elles comprennent pourquoi il avait ôté ses vêtements -- pour ne pas se salir -- ces Japonais, cela sait toujours rester propre). Il tient entre ses doigts mandibulaires un Papillon Rose qu’il a l’air de pousser dans la bouteille.  Malgré les débordements vocaux de nos deux beautés, le Japonais ne bronche pas. Il tient toujours le Papillon au-dessus de la canette et, à l’aide d’un mouchoir en papier (par hygiène), lui frotte le ventre et le postérieur vers le goulot, faisant passer les gaz de Papillon directement dans la bouteille. Tout cela accompagné d’une chanson très excitante rythmée par Aristide qui à part “Voilà du boudin” ne connaît pas d’autre mélodie. Ying se précipite sur son homme et, dans un geste trop rapide, s’empêtre dans les manches de son kimono, ce qui, de la place où est K.D., donne l’impression d’un ballet moderne : : La femme Papillon mangeant par ses ailes un insecte luisant, à slip rouge. Très revanche de Butterfly... Toujours dans la position du lotus, Aristide est médusé, la vue de K.D.emoiselle lui fait toujours cet effet. Dans sa cervelle de primate, il ne peut, dès qu’il la voit que penser aux joies qu’ils auraient si elle acceptait d’être de son harem. Chose dont ils ont déjà débattu et dont le résultat a été pour Aristide un œil au beurre noir et des tibias passés au bleu. Heureusement, il lui reste quand même la parole : << Tu ne peux pas, une fois pour toutes, penser que tu es une faible femme (là, K.D. sent ses yeux devenir des mitrailleuses) et laisser opérer ceux qui sont de la race supérieure ? >>  Supérieure, supérieure, vraiment, mais il a de l’humour, ce gros tas, rien qu’à le regarder, la supériorité rampe par terre. Il veut s'expliquer. L'explication est simple. Nos deux acolytes (plutôt alcooliques) en sont à la mise en bière. Ouf, enfin, la mise en bière, autrement dit la récupération des gaz rajeunissants. Maintenant, Aristide tient un Papillon dans ses doigts velus (pas les doigts du papillon, les siens), la canette au-dessus et le Jap, enfin débarrassé de sa mante religieuse, dit : << Il faudrait un réactif. >> Mademoiselle, qui n’avait pas abandonné son idée de pureté et de clarté, allait dire quelque chose, lorsque Yang souffla dans la bouteille. Comme réactif, ils furent servis. Le souffle de Yang, de par l’alcool qu’il avait ingurgité, fit en deux secondes la clarté. La déflagration décalotta le toit de la tour. Le contact des matières, gaz de Papillon Rose et souffle d’alcool, est surprenant comme explosif. Le vacarme fut tel que Nénène, de l’autre côté du lac, pensa que K.D. avait rejoint ses ancêtres, lesquels, on ne sait pas. Elle sauta dans le Chris-Craft, fonça (et pas en valseuse) vers la forteresse, grimpa avec sa légèreté légendaire et, tel un troupeau de zébus, enfonça la porte qui était restée entière et fermée. Sa frayeur surmontée, ses hurlements modérés, elle ouvrit les yeux : pour elle c’était facile elle avait les yeux en billes de loto --  et regarda : là, par terre, Aristide, toujours en position du lotus, mais cuit, même légèrement calciné. Plus loin, perchée sur une poutre, Ying, le chignon en désordre et, accroché à elle, une drôle de bête, à slip rouge, mais la tête en bas, telle une chauve-souris. << Quel malheur, dans une maison, pleurait Nénène : plus de Patronne, plus d’ennemi, plus de copains de passage. >> Ses pleurs auraient réveillé une chouette en plein jour. De chouette à K.D. avec les fréquentations qu’elle avait, il n’y avait qu’un pas et ce pas fut franchi. Mademoiselle K.D., qui se trouvait derrière Nénène, secoua ses cendres et telle le Phénix, se mit à rire.  << Un fantôme, un fantôme, hurla Nénène ! >> Il faut avouer que K.D. en avait l’allure : la robe en lambeaux, la chevelure grillée, le visage noir de fumée, elle avait tout du zombie. Elle dit à Nénène : << Le fantôme, en attendant son retournement, te demande d’aller lui chercher de l’eau. >> Si je suis vivante, pourquoi pas les autres, pensa K.D.. L.Y.K. S. avait bien dit : << votre frayeur surmontée, tout ira bien. >> Elle décrocha le slip rouge de son support. Il était soufflé mais, à l’oreille, soufflant, donc vivant. La Jap avait fait “Aïe” lorsqu’elle avait démêlé ses cheveux des pieds fourchus du diable rouge. Là aussi, la vie avait donc “survécu”-Elle descendit Ying de son perchoir, lui passa de l’eau sur le visage et la trouva très vivante dans le ton qu’elle prit pour lui dire : << Attention à mon maquillage ! >> Il restait Aristide. Elle pensa que, peut-être, lui aussi qui avait la peau dure était vivant. Ce qui ne la fit pas du tout se presser (on ne sait jamais). Une minute de plus, une éternité de moins !Elle prit la grande cruche d’eau et, d’un coup sec, lança son contenu sur Aristide. Elle ressentit une joie légèrement satanique : lui qui n’aimait pas les boissons arrosées, il en aurait pour son grade. Il s’ébroua, tel l’éléphant dans la brousse, émit le même barrissement et fut sur ses pattes de derrière en moins de temps que pour dire “Ouf”. Qui a mélangé de l’alcool au gaz des Papillons ? Ying et K.D. prirent un air d’avoir deux airs et pensèrent aux bains dans la cuve à alcool et aux effluves. Yang ferma ses fentes visuelles et rentra ses dents en méditant sur les nombreux verres d’alcool qu’il avait goûtés. Quant à Aristide, il aurait aimé ravaler sa phrase car lui, qui avait une distillerie clandestine, il avait l’alcool qui lui sortait par tous les pores. Tous firent la même réponse : le silence. Heureusement, un fait nouveau leur fit lever la tête. Par le manque de toit, les Papillons Roses, les uns derrière les autres, tels des Indiens, prenaient la route 320.Le Japonais, remis de son émotion, expliquait à Ying que << pas du tout, il n’avait jamais voulu la laisser, mais non, mais non... C’était pour lui faire une surprise ! >> Un vrai faux jeton ce mec... Maintenant que les Papillons étaient  repartis et, vu l’avance qu’ils avaient, toute la tribu était au courant de leurs mauvaises intentions et il ne ferait pas bon, pendant quelques générations de Papillons, d’aller à “Vase Chinois” et “Sabre de Feu” jouer les grands dieux venus du ciel. Car, même si le souvenir s’estompe, la légende reste, et tout le monde sait combien les légendes sont tenaces. Elles résistent même à des bataillons de technocrates armés de chiffres...Il faut en prendre son parti : Aristide ne ferait pas  fortune avec les gaz, il devrait continuer avec son alcool. Heureusement, son alambic était intact.  Seule la tour avait besoin d'un ravaudage. K.D. tenait dans sa main quelque chose qu’elle glissa subrepticement à Nénène en lui disant : << Tu es la seule qui ait le droit d’essayer, car c’est dans ton île que fleurissent les Papillons ! >> Nénène regarda le Papillon Rose et dit : << Je le garderai dans mon giron et, là,  il sera bien ! >>" Le pauvre”, pensa K.D., il va être étouffé !

<< Alors c’est fini, ces écritures, tu as raconté et, comme toujours, tu t’es donné la vedette.Allons, je ne t’en veux pas car, sans L.Y.K.'S. et moi, tu n’aurais rien à dire. Sur ce, si tu permets, “Mademoiselle est servie”.  >> Elles s’assirent autour de la table, sous la treille, face au Mont Paon. << Ah ! tu as bien choisi le lieu pour notre retraite, dit encore Nénène, là tu es sûre qu’en plus de tes chinoiseries occultes, un jour ou l’autre ils atterriront...-  Oui, dit K.D., ça, j’en ai la certitude. L.Y.K.'S. viendra là et, si ton repas est aussi bon que celui de ce soir, nos invités ne pourront que nous emmener vers de nouvelles aventures.... >>

Lorsque vous mangerez ce plat au goût bizarre, méditez sur la fragilité des essais pour rajeunir et rappelez-vous que rien ne vaut un bon repas pris en bonne compagnie. Refusez de manger avec des gens qui ne vous plaisent pas car, à chaque coup de fourchette, vous prenez dix ans de plus.

R E C E T T E - du ROMA-ZAVO, tel qu’on le prépare sur les Hauts Plateaux à Madagascar : Réunissez les ingrédients suivants : Pour une bonne tablée de huit à dix personnes : - un beau poulet- un kilo de bœuf avec os - un kilo de porc - tomates concassées - gingembre - huile d’arachide - Une bonne quantité d’oignons hachés

- toutes sortes de feuilles comestibles : cresson, feuilles de radis, épinards d’été (tétragone), pousses et feuilles tendres de potiron, de courgette, et BREDE MAFANO. A défaut, appuyer sur le cresson (en tout environ un kilo de ces légumes)

- Riz (quantité suffisante - Découpez vos viandes en carrés d’environ 4 à 5 cm de côté, ainsi que le poulet. Faites les revenir dans l’huile en même temps que les oignons. Ajoutez ensuite 7 ou 8 tomates pelées et puis, quelques minutes après, tous les légumes grossièrement coupés. Salez et poivrez, parfumez de gingembre râpé, ajoutez de l’eau à mi-hauteur du mélange et fermez bien votre cocotte. Après ébullition, baissez la chaleur et laissez cuire à peu près deux heures (en cocotte minute environ 50 minutes, vous mouillerez un peu moins mais le liquide sera nécessaire pour consommer le riz, que vous ferez cuire sans sel).

Préparer la Rougaille

4 ou 5 tomates fraiches - oignons - gingembre - sel - sakay (piment) au goût. Hachez le tout pour former une sauce qui, assez forte, relèvera le plat de riz et de viande.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article